Cimetières, sorcières et autres macralles, ''Bienvenue chez vous'' se plonge dans les traditions de saison. Il ne s’agit pas ici de tourisme macabre mais bien d’une découverte du patrimoine artistique et symbolique de nos nécropoles ainsi que d’une petite promenade pour jouer à se faire peur.
Octobre… les jours raccourcissent, les feuilles tombent et les familles préparent une des fêtes les moins joyeuses du calendrier catholique : la Toussaint. Une corvée pour certains, une visite chargée d’émotions pour d’autres, se rendre dans le cimetière familial n’est pas anodin. Au-delà de perpétuer le souvenir des (arrière)-grands-parents, le cimetière peut aussi être une destination patrimoniale et artistique, à condition de savoir décoder les symboles qui nous entourent.
Rencontre avec Monsieur Cimetière
Nous ne dirons pas qu’il a le physique de l’emploi mais presque. Xavier Deflorenne est le Monsieur Cimetière de la Région wallonne ou, tout à fait officiellement, le coordinateur de la Cellule de gestion du patrimoine funéraire. Il est chargé de conseiller les autorités communales en matière d'aménagement, de mise en conformité, de préservation et d’embellissement des cimetières. C’est aussi un passionné intarissable quand il s’agit de faire découvrir aux profanes toutes les beautés que recèlent nos cimetières.
Nous lui avions donné carte blanche pour choisir un cimetière « intéressant » en Wallonie. Il a opté pour le grand cimetière de Namur, situé à Belgrade. La nécropole date de 1864 et contient de nombreux symboles chers au XIXème siècle.
· Les mains unies ou la belle alliance : ce symbole marque le fait que l’amour est plus fort que la mort, que le mariage ne peut être rompu par la mort.
· La colonne brisée se retrouve sur la sépulture d’un homme encore jeune, décédé dans la force de l’âge. La colonne symbolise le soutien de famille, le soutien du temple brisé trop tôt.
· Le flambeau retourné : lorsqu’on retourne un flambeau, la flamme s’éteint par manque d’oxygène. Le flambeau retourné symbolise donc la mort.
· La palme ou palme de gloire. Elle orne la sépulture des victimes ou des martyrs de causes justes ou de conflits armés. On la retrouve régulièrement sur la tombe des résistants.
· Le sablier ailé symbolise le passage inexorable du temps.
· L’urne recouverte est, au XIXème siècle, un des symboles de la libre pensée. L’incinération n’est permise pour les catholiques que depuis 1963.
Outre ces nombreux symboles, le cimetière de Namur possède également une construction devenue rarissime : une crypte. Les architectes du XIXème siècle avaient inventé un mode « de gestion » des morts vertical pour éviter une extension horizontale et coûteuse des cimetières. Dans la crypte de Namur, on enfouissait jusqu’à 5 cercueils les uns au-dessus des autres.
L’art contemporain dans la nécropole
Le grand cimetière de Tournai vaut lui aussi le détour. Comme celui de Namur, il possède un riche quartier historique mais il bénéficie en plus d’une politique volontariste en matière artistique. Depuis 2008, la Maison de la Culture de Tournai et la galerie Koma de Mons se sont associées pour proposer à des artistes contemporains de réaliser des couronnes mortuaires. Le conservateur des cimetières, Jacky Legge, à l’origine du projet, explique :
« Ils ont carte blanche pour le choix des matériaux ou des connotations symboliques. On leur demande juste d’en réaliser deux et avec un diamètre imposé. Après, le visiteur peut les regarder en les trouvant simplement jolies ou chercher la signification que l’artiste a voulu y mettre. »
Aujourd’hui, le cimetière possède 75 couronnes qui sont exposées sur des sépultures, dans une chapelle restaurée ou même prêtées le temps d’une exposition à d’autres cimetières.
L’ancienne morgue du cimetière de Tournai abrite, quant à elle, un musée de poche de l’art funéraire. On y retrouve, dans un joyeux bric-à-brac, des objets et documents consacrés à l’histoire des cimetières, aux funérailles, au patrimoine funéraire et, plus généralement, à la mort. L’endroit mêle également aux authentiques objets d’époque des créations contemporaines.
>>> Le musée de poche accueille jusqu’au 29/11/2015 une exposition temporaire « Au bord des larmes – L’art contemporain dans la nécropole »
Le Sentier de l’Etrange à Ellezelles
Nous quittons Tournai pour Ellezelles dans le Pays des Collines. L’endroit a gardé une forte tradition en matière de contes et légendes et aime se souvenir qu’en 1610, cinq femmes, accusées de sorcellerie, furent brûlées vives sur un bûcher.
En 1984, Jacques Vandewattyne, un passionné de folklore, crée une promenade de six kilomètres où il représente toutes les légendes qu’il a collectées dans la région et en « statufie » les principaux protagonistes. Préparez-vous donc à rencontrer, au détour d’un chemin, de drôles de lutins venus aider un fermier ou, dans un tunnel de verdure, un loup-garou prêt à vous sauter sur le dos.