Après une période d’accalmie, sans doute liée au confinement, le Centre d’Aide aux Victimes de la Ville de Charleroi (CAV), constate à nouveau une augmentation de ses chiffres liés à la violences sexuelle. Et, phénomène nouveau, la violence sexuelle à l’égard de mineurs augmente. Il ne s’agit pourtant peut-être là que de la face visible de l’iceberg.
Le CAV est un service communal d’aide aux victimes composé d’une équipe pluridisciplinaire spécialisée dans la prise en charge des victimes, de leurs proches, ainsi que des témoins de faits.
Les faits peuvent être liés à l’insécurité urbaine, à de la violence conjugale et/ou intrafamiliale ou de la mort violente d’un proche.
Sophie Dantoin, psychologue au sein du centre a sorti sa boite à chiffres pour nous. Si la période de confinement a montré un net ralentissement de l’activité criminelle, il n’en va pas de même pour les violences familiales et sexuelles.
« Il y a eu effectivement une diminution des plaintes (en 2020), les gens bougeaient moins, il y a eu moins de faits et par rapport au processus de violences conjugales, l’auteur étant confiné avec sa victime, il avait tout pouvoir sur elle, la violence, n'ayant plus de terrain pour s'exprimer, s’est parfois estompée. Pour d’autres, par contre elle s’est fortement accentuée, certaines personnes ont vécu cette violence au quotidien. Ce qui est par contre plus inquiétant, c’est la violence faite aux mineurs qui n’avaient plus d’échappatoire, comme l’école par exemple, cette période a été terrible. »
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Une fois l’allègement des mesures sanitaires approuvé, les choses ont changé.
« Après mai 2020, au niveau du service, il y a vraiment eu une recrudescence des dossiers pour violences conjugales (coups, harcèlement, privations financières ou administratives) et intra-familiale. »
Deux fois plus de violences sexuelles
En 2021, le constat se porte sur les violences sexuelles avec un nombre de prises en charge qui a doublé. Mais est-ce le reflet d’une réalité de terrain ?
« Est-ce qu’il y en a plus ou est-ce qu’elles sont plus dénoncées ? Nous n’en savons rien, mais il y a probablement un effet des campagnes de sensibilisation. »
Les mineurs sont par contre clairement plus victimes de violences sexuelles. Viols, attentats à la pudeur et outrages aux bonnes moeurs, des faits inquiétants qui touchent de plus en plus d'adolescentes et de jeunes enfants. Un constat partagé aussi par d’autres services d’aide aux victimes.
« Pour le moment, ces faits se déroulent dans les familles aussi bien qu’à l’extérieur (famille élargie, amis ou en rue, dans des couples et chez les adolescents). Là, où cela devient vraiment inquiétant c’est l’augmentation des violences sexuelles liées à l’utilisation des réseaux sociaux. Une cybercriminalité qui est véritablement en développement. »
Les hommes : les oubliés des violences sexuelles et conjugales
Si les femmes et les jeunes filles sont les catégories de victimes majoritaires, la violence vis-à-vis des hommes existe aussi. Il ne faut pas l’oublier nous dit Sophie Dantoin.
« Il ne faut pas les oublier parce qu’ils sont souvent les parents pauvres des campagnes de prévention. Et même si c’est une minorité, c’est encore plus difficile pour un homme de se tourner vers un service d’aide aux victimes. En effet, nous vivons dans une société ou les clichés sexistes sont encore très forts, donc pour un homme c’est encore plus honteux de s’avouer victime que pour une femme. »
Du premier janvier au 30 septembre 2020, 28 dossiers pour des violences sexuelles ont été ouverts et 40 en 2021. Concernant les faits sur les mineurs, 29 ont été déclarés en 2020, contre 51 cette année. Des chiffres qui viennent s’ajouter à ceux d’autres services d’aide plus spécifiques.
« Les violences conjugales sont les plaintes que nous recevons majoritairement, il s’agit des agressions physiques, mais aussi le harcèlement, les violences psychologiques et sexuelles. Mais il y a aussi un développement de la violence qui s’exprime sur le plan financier ou administratif, surtout dans les familles où il y a des regroupements familiaux. »
Bientôt un centre d'aide supplémentaire
Le CAV, n’est pas seul pour faire face à toutes ses formes de violences, il existe à Charleroi un véritable réseau d’aide.
Il y a des services de première ligne, le service d’assistance policière aux victimes, il en existe un dans chaque zone de police, donc un près de chez vous.
Des services de seconde ligne comme le CAV ou les services d’aide aux justiciables. Il y a aussi les service d’accueil des victimes des maisons de justice qui font le lien entre la victime et la justice.
Et enfin, les service de troisième ligne des services d’aide aux liens, pour permettre une certaine communication entre les auteurs et les victimes, ou une indemnisation, il s’agit là, de médiation.
« C’est vrai que l’on se voit régulièrement, aussi, pour sensibiliser les professionnels de terrain. »
Un nouveau partenaire et un nouveau projet est en train de se mettre en place sur Charleroi (CPVS), le centre de prise en charge des violences sexuelles qui s’installera bientôt au sein du CHU Marie Curie.
« Nous ne savons pas encore comment cela va fonctionner, les choses sont en train de se mettre en place, mais il faudra pouvoir veiller à la continuité dans le suivi des dossiers. D’autant que le CPVS a une action limitée dans le temps. Il s'agit d'une intervention d’urgence avec une prise en charge médicale, psychosociale et policière. La victime peut directement déposer plainte si elle le souhaite, mais le plus important c’est que les preuves seront prélevées et conservées de manière légale pour pouvoir être utilisées en temps utile. »