Depuis quelques semaines, le mouvement "Les Engagés" de Maxime Prévot réalise un mercato en mode Arabie Saoudite. La liste des recrues de poids commence à s'allonger et la formation bâtie sur les cendres du cdH renaît véritablement tel un phénix qu'on croyait définitivement cramé. Preuve en est le dernier sondage Ipsos-RTLinfo-Le Soir où "Les Engagés" frisent les 14% en Wallonie.
Visiblement la stratégie de Prévot s'avère payante. Et elle est très claire: construire la colonne vertébrale de son parti (car c'en est un, même si lui parle de mouvement) autour de personnalités de la "société civile", qui apportent une vraie plus-value sur le plan des idées. Et qui, surtout, sont pour la plupart des libéraux sociaux, des centristes de droite: Olivier de Wasseige (ex-boss de l'Union Wallonne des Entreprises), Jean-Jacques Cloquet (ex-patron de BSCA), le dr Yves Coppieters ou encore Vincent Blondel (recteur de l'UCLouvain et cité avec insistance), sont autant de "têtes" pour les prochaines élections qui sont bien plus que des people attrape-voix. Et on ne parle même pas de Jean-Luc Crucke, ancien cador MR qui a quitté son parti avec pertes et fracas.
C'est sans doute lui qui a donné le "la" de la renaissance. Qu'un homme avec autant d'influence quitte son parti pour rejoindre Prévot n'est pas anodin. C'est le signe d'un profond malaise au sein du Mouvement Réformateur. Et singulièrement dans le chef des libéraux sociaux, les aficionados du centre droite, donc. Ceux-là ne se reconnaissent plus dans un MR piloté par un Georges-Louis Bouchez qui a décidé de droitiser son parti de manière musclée, non seulement sur les questions économiques mais aussi sur les problématiques sociales et sociétales.
Les libéraux sociaux ont toujours été synonyme, à droite, de tolérance, d'ouverture et surtout de compromis. Durant les ères Jean Gol, Louis Michel, Daniel Ducarme, Didier Reynders et même Charles Michel, ils avaient encore largement voix au chapitre du côté de la rue de la Toison d'Or.
Aujourd'hui, avec le président Bouchez, ce n'est plus le cas. Pas loin d'être devenus des parias pour ne pas dire des traîtres au hashtag "#fierd'êtrelibéral", les adeptes du libéralisme social se sentent coincés. Et leurs électeurs avec.
C'est précisément là que se trouve la fenêtre salvatrice des "Engagés": aller récupérer toutes les âmes en peine, les brebis égarées et déserrance du MR qui cherchent aujourd'hui une Terre Promise que Prévot, en bon Moïse politique, semble leur ouvrir.
Il y a quelques années encore, le cdH avait été invisibilisé parce qu'entre le PS, centre gauche, et le MR, centre droit, il n'y avait plus guère de place pour le centre mou que représentaient les Humanistes.
Aujourd'hui, entre Bouchez qui crie "à droite toute" et Paul Magnette qui tente de regauchiser le PS pour ne pas se faire déborder par le PTB, le centre se vide et s'ouvre comme la Mer Rouge devant le peuple élu. Sauf que cette mer semble désormais turquoise.
Un vrai miracle pour lequel Prévot peut remercier Georges-Louis Bouchez. Et tout ça sans l'engager...
Martial Dumont