Le moratoire sur les faillites instauré par le gouvernement fédéral a pris fin hier. Comment va se passer la suite pour de nombreuses entreprises désormais au bord du gouffre ? Combien de faillites le pays va-t-il compter ? On estime déjà à 50 000 le nombre d’entreprises qui vont mettre la clé sous le paillasson ! Une procédure de réorganisation judiciaire plus rapide et plus discrète est-elle la solution ? certains le croient.
La réforme doit encore être approuvée par le gouvernement, mais elle permettrait de sauver de nombreuses entreprises de la faillite.
La PRJ, la procédure de réorganisation judiciaire, le dernier rempart avant la faillite, devrait être allégée et plus rapide. Comment ?
Favoriser la médiation
La nouvelle procédure proposée devrait permettre aux entreprises en difficulté d’obtenir devant le tribunal un accord avec leurs créanciers sur un plan de sauvetage, qui implique une diminution des créances.
Pour le syndicat neutre pour indépendants, le SNI, il reste un problème.
« Il aura fallu une crise comme celle-ci pour comprendre qu’elle (la PRJ) n’était pas faite pour les ‘petits indépendants’ car trop lourde et trop compliquée. En ce sens, c’est un bon point . Cependant, comment une entreprise en difficultés financières va-t-elle faire pour s’acquitter des frais inhérents à la procédure alors qu’elle ne peut déjà plus faire face à ses créanciers ? »
Même constat du côté du ministère des classes moyennes qui compte avant toute chose alléger la procédure et réduire le nombre de documents à fournir par l’entreprise.
Ensuite, la procédure de réorganisation judiciaire, pourrait être précédée d’une médiation avant toute publication au Moniteur belge.
«Un des problèmes de la PRJ, c’est que lorsque les créanciers en entendent parler, ils risquent de s’affoler et d’exiger le paiement de leurs créances, ce qui peut donner le coup de grâce à l’entreprise. » explique David Clarinval à nos confrères de l'Echo.
Le gouvernement fédéral s’est inspiré d’un système américain, pour mettre en place une procédure qui permet au tribunal de désigner un médiateur qui peut, en toute discrétion, rencontrer les créanciers, et négocier avec eux des accords avec une plus grande souplesse.
Une fois l’accord ficelé, il peut être présenté au tribunal et approuvé rapidement.
C’est ce qui s’est passé dans le cas du Pain Quotidien par exemple.
Enfin, la PRJ va permettre l’exonération fiscale, pour les créanciers sur les réductions de valeur sur créances, et pour l’entreprise en difficulté sur les produits d’abattement de ces créances.
Ces trois avancées majeures , couplées à quelques aménagements dans la procédure avec les tribunaux, pour permettre notamment les échanges par email, devraient permettre d’aller plus vite.
Mais la vraie solution reste une réouverture progressive de tous les commerces. Pour David Clarinval, le ministre MR de classes moyennes, c’est possible à plus ou moins court terme.
Et d’ajouter qu’ "il y aura un plan de réouverture, avec par exemple des exonérations temporaires des cotisations ONSS. On pourrait aussi discuter de la TVA dans l’horeca , etc.»
Le gouvernement fédéral table sur une adoption rapide du texte sur la procédure de réorganisation judiciaire dans la quinzaine.
Prolonger le moratoire en attendant la réforme ?
Afin de protéger les entreprises contre les effets économiques de la pandémie, le gouvernement fédéral avait instauré au premier avril 2020, un "gel" sur les faillites qui s'achève aujourd'hui.
Mais malgré cela, 20% des entreprises (soit 336.790 travailleurs) qui étaient saines avant la crise sont désormais en zone rouge , selon une étude conjointe réalisée par la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) et le bureau d’analyse des données d’entreprises Graydon, publiée lundi dernier. Pas moins de 84.000 entreprises, sont ainsi en grande difficulté et pourraient à leur tour entraîner dans leur chute leurs créanciers .
Des entreprises qui étaient en bonne santé avant la crise mais qui se trouvent aujourd’hui au bord de la faillite ou en prennent le chemin malgré les mesures fédérales et régionales : cela représente 24,4 % des entreprises, lesquelles emploient 407.83 4 équivalents temps plein.
42,6 % des établissements de l’Horeca et 32 % des entreprises du secteur événementiel sont dans une situation critique.
Mais dans les secteurs de la métallurgie, des transports, de l’agriculture, de l’alimentation et dans l’industrie automobile, un quart des entreprises se trouvent dans une situation particulièrement délicate.
Un cinquième des entreprises appartenant aux secteurs du commerce, des activités immobilières, des industries textiles et de la construction se trouvent dans la même situation.
« Il est plus surprenant de constater que même au sein de secteurs traditionnellement réputés solides, un groupe important d’entreprises est aujourd’hui en difficulté. Ainsi, au sein de l’industrie chimique, par exemple, plus de 13 % des entreprises sont actuellement en grande difficulté suite à la crise. Il en va de même pour certaines branches spécifiques du secteur de la santé, mais aussi pour le secteur de l’information et de la communication », poursuit Graydon dans les colonnes de Sud Presse.
«Dans des secteurs à l’arrêt comme l’horeca, l’événementiel ou le secteur culturel, ces pourcentages sont même de l’ordre de 40 ou 50%», souligne le ministre des classes moyennes, des indépendants et des PME, David Clarinval (MR) à l’Echo.
Prolonger le moratoire sur les faillites n’était pas une solution à long terme. Mais il prend fin ce lundi, sans qu’aucune autre solution n’ait encore été approuvée.
Le Syndicat neutre des indépendants reconnaît volontiers que le moratoire des faillites ne peut être prolongé indéfiniment, notamment pour éviter un effet boule de neige auprès de fournisseurs. Toutefois, il aurait été possible de trouver une solution intermédiaire, selon le SNI.
« Une prolongation de trois semaines supplémentaires permettrait une transition en douceur, moins abrupte vers la nouvelle PRJ. Cette dernière ne sera pas mise en œuvre directement. Que se passera-t-il donc entre le 1er février et l’entrée en vigueur de la PRJ ? »
La réponse de l’Union des classes moyennes (UCM) à « son » ministre est plus cinglantes encore puisqu’elle juge « positive » la réforme de la PRJ, mais invoque la faute grave lorsqu'il s'agit de la fin du moratoire.
« C'est une décision dont les conséquences seront désastreuses, y compris sur le moral des entrepreneurs. Beaucoup d'entre eux vont vivre désormais dans la crainte d'une mise à l'arrêt forcée. »
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sources : l'Echo, Le Soir, Sud Presse et La Libre Belgique