Lundi, la commune d’Aiseau Presles a rendu un avis défavorable pour le projet d’agrivoltaïque proposé par la société Ether Energy sur le site de Taille Marie à Presles. Dominique Grenier l'échevin de l’environnement n'y voit que des inconvénients. Alex Houtart de la société bruxelloise lui répond.
La société privée Ether energy devait bien se douter que son projet d’agrivoltaïque ne serait pas accueilli les bras ouverts. Il faut dire qu'installer 22 000 panneaux photovoltaïques sur 30 ha, ce n’est pas anodin. Dominique Grenier, l'échevin de l'environnement y voit, lui, un troc peu rentable :
« en remplaçant ce terrain agricole actuellement occupé par la culture de pommes de terre et de maïs, par l’installation de panneaux, ainsi que des brebis et des ruches. »
« En remplaçant ce terrain agricole actuellement occupé par la culture de pommes de terre et de maïs, par l’installation de panneaux, ainsi que des brebis et des ruches. »
Lors de la réunion d’information organisée pour exposer le projet à la population, réunion à laquelle la commune avait sciemment décidé de ne pas participer, les riverains ont posé des questions dont beaucoup sont toujours en suspens.
« Ils ont bien essayé de justifier leur choix par rapport au site, mais en CCATM et ce lundi lors du conseil communal nous avons rendu un avis défavorable à la demande de permis unique déposé par la société. »
Nous avons contacté Alex Houtart, de la société Ether Energy qui gère le dossier d’Aiseau-Presles et s'il comprend les craintes et frustrations des habitants de la commune et de leurs représentants, il regrette profondément cette décision.
« Le problème vient du phénomène "Nimby" - Not In My Back Yard - Pas près de chez moi - mais aussi au fait que de manière générale les instances politiques et administratives ont tendance à y faire droit.»
Les raisons de la colère
Et justement dans son avis, la commune s’est d’abord retranchée derrière la circulaire du Ministre Willy de Borsus qui donne la priorité à l’agriculture pour les terres agricoles.
« La société nous dit que la zone qu'elle convoite est en zone "pêche" et polluée. Or c’est faux, ni pollution, ni zone "pêche" à cet endroit. »
Ce n'est pas vraiment l'avis d'Alex Houtart de chez Ether Energy
"Les zones couleur "pêche" sont des parcelles reprises dans la banque de donnée de la Wallonie comme polluées ou en suspicion de pollution. Il est très facile de vérifier sur le site Géoportail de la Wallonie que 80% du projet Agrivotaïque de Presles se trouve dans cette zone."
Ce qui est sûr par contre c'est que le site de Taille Marie concentre sur 120 ha, des bois, des prairies, et des zones protégées avec des arbres remarquables, des rapaces d’une espèce rare, un site qui accueille des chauves-souris et des vestiges gallo-romains mis au jour en 2015.
La commune y a par ailleurs aménagé un sentier de promenade qui correspond à un corridor de passage pour les animaux sauvages. On y trouve deux zones protégées à savoir le bosquet "des cochons" et "le chêne à l’image". Ce dernier, un arbre centenaire, serait déraciné par la société Ether Energy pour être replanté 50 m plus loin.
Alex Houtart de Ether Energy, connait bien ce fameux bosquet, comme il connait les problèmes de ruissellement des eaux sur lequel le dossier s'est penché.
"Le dossier contient une étude complète sur le ruissellement des eaux de pluie et la conclusion de celle-ci est que la situation sera meilleure une fois les panneaux installés. La commune invente aussi de nouvelles excuses. Elle prétend, par exemple, que le fameux bosquet "des cochons", qui sera d'ailleurs maintenu, accueille des familles de chevreuils. Or, il est tout bonnement trop petit pour ça. Au-delà de ces détails très techniques, le vrai problème reste ce phénomène Nimby, tout le monde veut faire des efforts pour le climat, mais personne n'en veut chez soi."
Selon l'échevin de l'environnement, ce site n’est pas remarquable au sens du CoDT mais les preslois en sont fiers et il est à leur yeux au moins, exceptionnel. Et la commune défend bec et ongle l’intérêt paysager du site.
« Et eux, viennent avec leurs 30 ha de panneaux nous couper la vue. Alors certes, il y a peu d’habitations à cet endroit, mais c’est justement pour préserver cette zone de l’urbanisation. La raison invoquée pour le choix du site a également été sa proximité avec la cabine à haute tension de Farciennes, mais ce sont des arguments qui les arrangent, pas nous. A Aiseau-Presles, en matière d’énergie renouvelable, nous n’avons rien à nous reprocher, nous avons même été pionnière. »
De son côté la société Ether Energy n'en démords pas non plus, il est grand temps de réagir !
"Alors, est-ce que notre projet va modifier le paysage ? Bien sûr que oui et c’est normal. Mais nous avons aussi prévu en concertation avec les riverains directs, de respecter les lignes de force du paysage. Il faut comprendre que la Belgique est à la traine. Moins de 2% des panneaux solaires sont au sol. Chez nos voisins hollandais, ils sont à 20% alors que leur territoire est plus petit."
Atteindre les objectifs européens … oui mais non !
La commune d’Aiseau-Presles restera particulièrement attentive à la suite réservée à ce dossier, car selon Dominique Grenier, le véritable objectif de celui-ci est de "rattraper le retard de notre pays par rapport au développement de projets photovoltaïques d’envergure."
« Mais nous n’allons pas sacrifier Aiseau Presles pour la gloire de la région Wallonne ou de l’Europe. Nous avons développé une unité de biométhanisation. Nous allons donc atteindre nos objectifs de CO2. Le site est choisi de manière économique, pas par rapport aux enjeux de biodiversité. Alors oui, on met des chèvres, mais c’est surtout pour tondre la pelouse, sous les panneaux ! »
La société Ether Energy ne démend pas, elle veut se placer en lanceuse d'alerte par rapport aux objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
"Il faut réfléchir autrement. Aujourd'hui, les friches industrielles polluées doivent être réhabilitées à destination des entreprises. Pourquoi ne pas réfléchir à l'agrivoltaïque ? Nous avons de l’expérience en France et au Luxembourg. Nous serions preneur pour nous mettre autour de la table et pour réfléchir à un agrivoltaïsme respectueux et agricole, autorisé dans certaines conditions. Notamment, lorsqu'il apporte une plus value à l’agriculture."
Ainsi qu'à la population, puisque Alex Houtart en est convaincu, l'électricité produite à Presles pourrait bénéficier en ligne directe au preslois.
Cette étude est-elle sérieuse ?
Si Dominique Grenier ne doute pas de la volonté de bien faire de la société bruxelloise, il constate que le projet n’est pas assez fouillé et trop économiquement orienté.
« Ils ne veulent pas couler de béton pour installer les panneaux photovoltaïques, par exemple. Ils veulent forer le sol. Ce sont les habitants qui leur ont appris qu’ils allaient rapidement tomber sur de la roche. Ils n’étaient pas au courant… il reste donc beaucoup de choses à éclaircir. »
D’autres part, les solutions envisagées pour limiter l’impact visuel sont pour le moins sommaires. Les promoteurs promettent d’installer une haie. Le sentier de promenade créé par la commune se retrouverait du coup coincé entre deux haies, privant les randonneurs ou les cyclistes d’une vue exceptionnelle.
Alex Houtart d'Ether Energy, n'est pas de cet avis, on s'en doute, il estime que son dossier tient la route et attend une réponse des fonctionnaires techniques et délégué de la Wallonie pour le mois de février au plus tard.
Un dernier paramètre pourrait aussi venir jouer les troubles fête. Actuellement, c’est une société agricole qui loue les terrains convoités par Ether Energy. Reste à savoir si elle n’aura pas envie de faire une plus-value avec ce "rentable" projet.
Certaines sociétés françaises qui développent aujourd’hui l’agrivoltaïque s’engagent à éviter toute spéculation sur les terrains agricoles, dans le projet qui occupe la commune d’AIseau, rien n’est clairement défini en ce sens, semble-t-il.