Réintroduira-t-on, à terme, le bison d'Europe en Wallonie ? Comment cohabiter au mieux avec le loup, de retour en Belgique depuis quelques années ? Le lynx boréal, dont un individu a été repéré au sud du pays, peut-il s'étendre en Wallonie ? Autant de questions abordées, jeudi à Namur, lors d'une conférence "BeWild" organisée par le WWF Belgique en marge du Festival international Nature Namur. À quelques mois d'une année 2024 riche en élections, l'ONG environnementale veut mettre la question du réensauvagement de la Wallonie en haut de l'agenda politique.
Le "réensauvagement", ou "rewilding" en anglais, consiste à viser la restauration de la complexité des écosystèmes, que l'on sait fortement dégradés dans nos régions industrialisées de longue date et densément peuplées. Ce réensauvagement peut passer par une multitude d'actions ou non-actions (par exemple, laisser du bois mort en forêt), se faire de manière active, comme lorsque l'on réintroduit (illégalement à l'époque) le castor dans nos contrées, ou passive, comme ce fut le cas avec le retour naturel du loup depuis des pays voisins.
Ces dernières années, plusieurs espèces emblématiques et/ou dites "clef de voûte" ont refait leur apparition en Wallonie, que ce soit le castor, la loutre, le loup ou le lynx. Cela ne doit toutefois pas masquer une triste réalité environnementale. "Sur les 45 habitats naturels que compte notre région, un seul se trouve dans un état de conservation favorable : les cavités souterraines", a rappelé Corentin Rousseau, du WWF Belgique. "Et la population des oiseaux en Belgique a chuté de 40% depuis 1990", a-t-il encore illustré.
Alors que la Wallonie dispose désormais de deux parcs nationaux (Entre-Sambre-et-Meuse et Vallée de la Semois), plusieurs pistes de réensauvagement ont été évoquées jeudi à Namur, comme une réintroduction du bison d'Europe, jadis présent. "Selon des études préliminaires, quatre à six sites seraient compatibles en Wallonie avec la présence de bisons et pourraient accueillir de 10 à 30 individus par site. Il ne faut pas prendre ces chiffres pour argent comptant mais cela montre que ce n'est pas impossible. Il y a de la place pour parler d'un bison en totale liberté en Wallonie", explique Sébastien Lezaca-Rojas, de l'ASBL "Forêt et Naturalité".
Bien sûr, une hypothétique réintroduction du bison chez nous ne serait pas sans défis, eu égard à la densité du réseau routier belge et à la trop faible connectivité entre les massifs forestiers wallons et européens. De manière générale, "il faudrait réapprendre à vivre avec le bison".
Le naturaliste a également évoqué la crise des scolytes, ces petits coléoptères dont les populations sont dopées par le réchauffement climatique et les printemps secs et qui ont décimé ces dernières années nombre de peuplements d'épicéas en Wallonie et dans plusieurs régions d'Europe. Pour Sébastien Lezaca-Rojas, cette crise peut être utilisée pour permettre une régénération naturelle de la forêt et promouvoir une forêt plus diversifiée et donc plus résiliente. L'ASBL "Forêt et Naturalité" plaide par ailleurs de longue date pour la mise en place d'une grande réserve intégrale en Région Wallonne de 5.000 hectares.
Le WWF Belgique n'avait pas manqué de convier, à l'issue de la conférence, un panel de responsables politiques, parmi lesquels la ministre wallonne de l'Environnement, Céline Tellier (Ecolo), plusieurs parlementaires des Engagés, du PS et du PTB et le président du MR, Georges-Louis Bouchez. Soumis à diverses questions du WWF, les représentants des cinq partis se sont notamment tous prononcés en faveur d'une protection des forêts anciennes de feuillus en Wallonie et pour porter à 5% du territoire wallon d'ici 2030 la surface des réserves naturelles.
Quant à la réintroduction de certaines espèces animales en Wallonie, Ecolo, PTB et PS se sont prononcés en faveur, Les Engagés et le MR se montrant plus circonspects. "Sur le principe, j'y suis favorable, mais il faut faire attention à la coexistence avec l'homme et avec certaines activités, notamment agricoles", a expliqué en substance Georges-Louis Bouchez.
Source: Belga